«Mobilisation générale» Mission impossible ? Le futur patron de Boeing va affronter des tempêtes

AFP

16.5.2024

Le constructeur américain Boeing semble aller de mal en pis, cumulant des problèmes de production en 2023 et un incident en vol en janvier qui ont entraîné de multiples enquêtes et la refonte de sa direction, et désormais, le risque de poursuites pénales.

Le constructeur américain Boeing semble aller de mal en pis (image d’illustration).
Le constructeur américain Boeing semble aller de mal en pis (image d’illustration).
ats

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16.5.2024

Sans oublier les témoignages devant une commission d'enquête sénatoriale de lanceurs d'alerte et d'experts en sécurité, les retards du premier vol spatial avec équipage de son vaisseau Starliner et un ralentissement des livraisons qui creuse ses pertes.

L'annonce mardi soir par le ministère de la Justice que le géant n'a pas respecté un accord dit de poursuite différée (DPA) datant de 2021, lié au crash de deux 737 MAX ayant fait 346 morts, l'expose aussi désormais à des poursuites pénales.

Face à ces nuages menaçants, le successeur du patron Dave Calhoun -il doit partir d'ici fin 2024, emporté par ces crises multiples- devra être un sorcier des affaires pour assainir le groupe tout en retrouvant la confiance de ses clients, du public et des autorités.

«Etant donné tout ce qu'il faut surmonter, le nouveau patron devra en quelque sorte être une licorne», commentait récemment Ron Epstein, analyste de Bank of America.

Pour des experts, le patron idéal doit avoir une expérience dans l'aérospatiale, la gestion de projets industriels d'envergure et une approche pratique en matière de sécurité.

Le groupe s'est refusé à tout commentaire concernant cette quête mais pourrait s'exprimer lors de son assemblée générale vendredi.

Refonte

Le départ de Dave Calhoun a été annoncé le 25 mars dans le cadre d'une refonte de la gouvernance de Boeing, avec le départ immédiat du chef de la branche aviation commerciale (BCA) et un nouveau président du conseil d'administration.

Membre de ce conseil depuis 2009, M. Calhoun a pris les commandes de l'avionneur en décembre 2019 après la démission de Dennis Muilenburg, très critiqué après les accidents.

Ancien dirigeant du conglomérat General Electric (GE) et de sociétés d'investissements, Dave Calhoun aurait pu rester jusqu'en 2028. Mais tout a basculé lorsqu'un 737 MAX neuf d'Alaska Airlines a perdu en vol une partie de sa carlingue.

Son départ n'étant prévu qu'en fin d'année, Dave Calhoun conserve son influence, y compris sur le choix de son successeur. Surtout si son mandat d'administrateur est renouvelé vendredi.

Richard Aboulafia, consultant d'AeroDynamic, considère que l'origine des déboires de Boeing remonte à des décisions prises par M. Calhoun et ses prédécesseurs, qui ont donné la priorité aux bénéfices et à la rémunération des actionnaires au détriment de l'ingénierie.

Le prochain patron peut être «n'importe qui de vraiment investi dans cette industrie et pas seulement un financier», a-t-il relevé, quelqu'un qui «pourra apurer tout le système».

«Mobilisation générale»

De son côté, Ron Epstein appelle à une «réorganisation culturelle drastique», y compris dans l'arborescence hiérarchique, et à un transfert du siège de la capitale Washington vers un centre de production. Pour insuffler un esprit de «mobilisation générale», dit-il.

Dave Calhoun a tressé des lauriers à Stephanie Pope, qui grimpe les échelons du groupe depuis trois décennies et a été nommée à la tête de BCA le 25 mars.

Mais certains experts estiment que le prochain patron devrait être recruté ailleurs. Parmi les noms cités, Larry Culp, patron de GE Aerospace, et Pat Shanahan, patron de Spirit Aerosystems depuis septembre 2023 ayant passé 31 ans chez Boeing. Tous deux ont dit ne pas être intéressés.

Le personnage central de cette recherche sera Steve Mollenkopf, ex-patron de Qualcomm. Il siège au conseil d'administration de Boeing depuis 2020 et en a pris la présidence le 25 mars. Mais le ciel reste sombre pour l'avionneur.

D'ici le 28 mai, il doit remettre à la FAA -qui a gelé sine die la production du 737 MAX- un «plan d'action complet» pour remédier aux nombreux problèmes de non-conformité. En juillet, le ministère de la Justice doit décider de lancer, ou non, des poursuites pénales.

En parallèle, Boeing doit négocier avec le Syndicat international des machinistes et ouvriers de l'aérospatial (IAM) la convention collective qui va remplacer celle expirant en septembre.

Outre des hausses salariales, le syndicat --qui représente 30.000 employés de Boeing-- souhaite notamment la garantie que le prochain avion sera produit dans l'Etat de Washington (nord-ouest).